L’asiminier (Asimina triloba),

une Annonacée rustique à fruits comestibles

 

Frédéric Tournay

 

 

Peu de visiteurs parcourant le jardin du Conservatoire Botanique National de Brest remarquent ce petit arbre à l’allure discrète planté le long du Stang alar, dans la partie basse de la bambouseraie. Leur regard est sans doute attiré par le majestueux palmier abricot (Butia odorata) situé à quelques mètres. Pourtant, l’asiminier est un arbre fruitier remarquable à plus d’un titre.

 

L’Asimina triloba est l’unique représentant de la famille des Annonacées qui soit rustique partout en France. Cette famille est, dans sa quasi-totalité, composée d’espèces tropicales dont certaines, comme la cherimole (Annona cherimola) et le corossol (Annona muricata), ont des fruits délicieux. Originaire de l’est de l’Amérique du Nord, poussant de l’embouchure du Mississipi à la frontière canadienne, l’asiminier est très résistant au froid, endurant des abaissements de température  atteignant -20°C. Trois exemplaires sont ainsi cultivés au Jardin botanique de l’Université de Strasbourg depuis plus d’une vingtaine d’années : ils n’ont subi aucun dommage et ils fructifient abondamment.

 

Son feuillage caduc est très décoratif : le limbe oboval à oblancéolé mesure jusqu’à 30 cm de long. Ces grandes feuilles qui virent au jaune doré en automne ne sont pas un avantage en Bretagne où elles peuvent être malmenées par les vents. L’asiminier est un petit arbre à la silhouette élancée qui mesure jusqu’à 10-12 m de hauteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Feuillage de l'Asimina triloba

photo F. Tournay

 

La floraison intervient au moment de l’apparition du feuillage, à la fin du mois d’avril. Les fleurs, aux pétales de couleur rouge lie de vin, naissent sur les rameaux de l’année précédente. Celles-ci sont dites « protogynes » : lorsque que les anthères libèrent le pollen, le pistil est déjà « mûr » et n’est plus réceptif. La fécondation ne peut donc se dérouler qu’en présence simultanée de fleurs à des stades différents d’épanouissement. Il semble que des phénomènes d’auto-incompatibilité pollinique entrent également en action pour éviter l’autofécondation. Bref, il est toujours préférable de planter plusieurs asiminiers qui ne soient pas des clones si l’on souhaite récolter abondamment et régulièrement des fruits. C’est le cas à Strasbourg où trois exemplaires « s’échangent » mutuellement leur pollen, nous gratifiant presque tous les ans d’une fructification.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fleur d'Asiminier au Jardin Botanique de l'université de Strasbourg.

photo F. Tournay

 

 

L'asiminier produit un fruit multiple, formé de plusieurs baies résultant de carpelles libres issus d'une fleur unique. Chaque baie, que l'on appelle une "asimine", est de forme cylindrique, longue de 5 à 15 cm, et devient jaune-verte à maturité. La chair crémeuse, jaune-orange a un goût sans égal combinant les saveurs de banane, de mangue et d'avocat. La texture et le goût sont donc très particuliers : en général, on aime ou on déteste !

Le fruit ne se conserve pas : il doit être consommé très rapidement dès qu’il est mûr. Il est très fragile : il tale au moindre choc et ne supporte pas le transport et les manipulations. Il est donc préférable de le récolter avant qu’il ne tombe à terre et de le déguster dans les jours qui suivent. C’est aussi pour ces raisons que l’asimine est si peu connue en dehors des Etats-Unis car elle ne peut être exportée et commercialisée au-delà des frontières de son pays d’origine. Le fruit qui est appelé « pawpaw » est consommé frais, en crèmes glacées et il entre dans la composition de pâtisseries.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Récolte d'asimines.

photo F. Tournay

 

L’asiminier peut être propagé par semis. Les graines, qui perdent très vite leur viabilité, doivent être semées rapidement après avoir été extraites du fruit. Pour avoir le plus de succès, il est nécessaire de les stratifier ou de les semer en plein air. Il est aussi possible de séparer du pied mère un ou plusieurs drageons. La reprise est néanmoins délicate et n’est jamais assurée car les Annonacées ont, comme les Magnoliacées, des racines très fragiles.