Les Plantes du Chili

 

Christine Bartolo

 

 

 

La rédaction de ce texte me donne l’occasion de revivre un merveilleux voyage, rêvé depuis longtemps. J’ai toujours beaucoup aimé les plantes du Chili, je ne sais pourquoi, un peu plus que les autres, envie renforcée par la lecture du livre de Ph Danton « Les Iles Robinson Crusoë », de celui sur les arbustes de Rix et Phillips et en assistant à la conférence d’Arnaud Descat sur les fleurs du Chili. J’avais envie et besoin de voir ses plantes dans leur milieu, leur biotope pour mieux les cultiver ici et il est vrai que nous avions quelques idées fausses.

 

Nous ne serons pas déçu par ce voyage, au contraire il est resté magique et magnifique pour chacun d’entre nous. Tant au Sud : Volcans en activité aux cônes parfaits avec leur calotte de neiges éternelles se mirant dans l’eau bleue des lacs entourés d’une végétation luxuriante atmosphère tropicale en dehors des tropiques, que dans les Andes à 4000 m à la Parva au niveau de Santiago avec la vue sur des centaines de km2 à 360°, que la journée à la Campaña avec les Jubea chilensis, qu’au Nord dans le Norte Chico désert minéral irisé de milles couleurs.

 

Nous nous retrouvons à l’aéroport où nous faisons connaissance. Jeannette de l’Arche aux plantes (Patrick Bellec avait gentiment mis une annonce dans le bulletin) grâce à qui ce voyage a pu se réaliser, en effet il fallait que nous soyons 5 pour partir, Pascal Jarige l’organisateur du voyage guide naturalise, Jean-Louis photographe semi professionnel et nous deux : l’idéal pour un tel périple. Nous ferons la connaissance en arrivant à l’aéroport de Santiago d’Alvaro chauffeur, intendant et traducteur éventuel et de Sebastian Tellier, universitaire, botaniste, auteur de quelques ouvrages sur la flore de certaines zones particulières et sur la révision de certains genres. D’origine française, il fait ses études en Roumanie car à cause de Pinochet sa famille a fui le Chili, il rentre en 1992. Avant de reprendre l’avion pour le Sud, nous passons l’après-midi à Santiago dans les librairies à acheter des ouvrages sur la flore car pas moyen de se les procurer en Europe, j’avais quelques commandes et nous les avons transportés pendant 3 semaines.  

 

Araucanie

 

Arrivé à Temuco en fin d’après-midi sous le soleil qui ne nous quittera pratiquement pas de tout le séjour. Encore une idée reçue (il pleut soi-disant 5j sur 7) ou le prolongement de la canicule de l’été 2003 dans l’hémisphère nord qui se prolonge dans l’hémisphère sud début 2004. Nous avons avalé beaucoup de poussière sur les pistes car il n’y a pas de routes à part la Panaméricaine. Nous avons même eu une piste de galets. En sortant de l’aéroport j’aperçois sur le trottoir d’en face un Gevuina avellana (Proteaceae) en fleurs et fruits (en même temps) sur lequel je me précipite. Nous nous dirigeons en fin d’après-midi vers le lieu où a été signé le traité du gouvernement chilien avec des indiens Mapuches sur une place en terre battue avec des statues en bois de plusieurs mètres. Nous découvrons un aperçu de la végétation luxuriante du Sud Chili : Nothofagus dombeyi et obliqua (Fagaceae), Cryptocarya alba (Lauraceae), Aetoxicum punctatum (Aetoxicaceae) dans lesquels grimpent et s’accrochent Cissus striata (Vitaceae), Muehlenbeckia hastulata, (Polygonaceae), Lardizabala biternata (Lardizabalaceae).Des fleurs roses attirent notre attention, il s’agit d’une plante parasite Nothanthera heterophylla (Lorantaceae). Dans un Nothofagus dombeyi (Fagaceae) grimpent en s’accrochant dans la mousse qui recouvre le tronc Sarmienta repens (Gesneriaceae), Polypodiuim sp (Polypodiaceae); dont les fleurs rouges et les frondes pendent à l’inverse des branches latérales ; à la fourche de ces branches de véritables nids de Fascicularia bicolor (Bromeliaceae) épiphytes à feuilles vert glauque dont celles du centre rouges laissent apparaître un cœur de fleurs bleues : Extraordinaire !

 

Nous trouverons là aussi Eryngium paniculatum (Apiaceae) et les fameux Chusquea quila (Gramineae). Nous comprendrons plus tard au cours du voyage pourquoi le botaniste refuse d’en parler au vu de la peste végétale dont il s’agit.

 

Nous nous dirigeons le lendemain vers le parc Conguillo où pousse une forêt relictuelle d’Araucaria. Nous examinons Podocarpus andina = Prumnopitys andina (Podocarpaceae), Luma apiculata (Myrtaceae), Sophora microphylla (Papilionaceae), Austrocedrus chilensis (Cupressaceae) à 1000m d’altitude sur le bord de la route qui se réduit à un moment à une tranchée taillée dans la lave avec à l’horizon le volcan Llaima couvert de neige. La dernière éruption date de 40 ans et nous voyons déjà la recolonisation par les mousses, les lichens, Digitalis purpurea (introduite d’Europe). A droite de la piste : un canyon, la paroi de l’autre côté, une verticale faite de strates de différentes couleurs est ponctuée de tâches vertes, ce sont des touffes accrochées dans la roche de Gunnera tinctoria (Gunneraceae) avec au dessus des Nothofagus au bord du vide et sur la crête se détachant dans le ciel en ombre chinoises des Araucaria araucana (Araucariaceae). Arrêts répétés pour voir différents Azara (Flacourtiaceae) alpina, microphylla, Mutisia spinosa, decurrens (Asteraceae), deux Dioscorea sp. (Dioscoreaceaee), Ribes magellanicum (Grossulariaceae), Rhaphitamnus spinosus (Verbenaceae), Nothofagus alpina (Fagaceae), Berberis … En montant nous apercevons Embothrium coccineum (Protaceae), Nothofagus antartica (Fagaceae) et les Araucaria araucana (Araucariaceae) avec Anemone multifida (Ranunculaceae) à leurs pieds. Nous sommes « écrasés » par ces géants sombres couverts d’usnées qui volent au vent. Dans une pente,la végétation est étagée avec dans l’ordre, Araucaria, Nothofagus, Embothrium, ses semis couvrent le sol parmi Baccharis magellanica (Asteraceae) en coussin, Pernettya, Calceolaria, Lathyrus, Blechnum penna marina, Mimulus luteus. Plus loin, nous arrivons sur les bords d’un lac glaciaire parmi les Araucaria et Nothofagus. Les silhouettes des Araucaria, tronc blanc, tête noire, se détachent toujours dans le ciel sur les crêtes envahies de brouillard et de neige. Nous dormirons dans des chalets au milieu des Araucaria. Les Nothofagus y sont « moches et rabougris », il y fait sombre, gris et humide.

 

En quittant la zone, la piste passe dans un milieu de sous bois avec Drimys andina (Winteraceae) , Chusquea valdiviensis (Gramineae) , Nothofagus pumilio et dombeyi (Fagaceae), d’énormes tâches jaunes de Calceolaria attirent le regard dans le fossé. A l’ombre des arbres, nous trouvons Viola reichii (Violaceae), Codonorchis lessonii (Orchidaceae), Oxalis, Acaena, Anemone… Nous passons à côté d’un autre lac né d’un effondrement : paysages fantomatiques avec les troncs de Nothofagus morts émergeants de l’eau. Un canard avec le devant du bec jaune pêche dans le lac, sur les berges : Baccharis patagonica (Asteraceae), Quimchamalium (Santalaceae), Adesmia (Papilionaceae), Sisyrinchiuim (Iridaceae) … Les Nothofagus dombeyi et pumilio (Fagaceae) isolés des autres arbres et côte à côte, sont faciles à différencier tant par la couleur du feuillage que par le port.

 

Valdivia.

 

Revenus à la civilisation, nous nous arrêtons sur une place entourée de Jubaea chilensis très vieux et très hauts. Ensuite descente vers la côte et Puerto Saavedra où nous passerons la nuit dans un motel familial au dessus de la mer. Nous nous réveillons avec le chant des oiseaux et découvrons la vue sur la côte, les dunes, le pacifique. Sur la falaise, poussent Oenothera stricta (Onagraceae), Ambrosia chamissonii (Asteraceae). Nous quittons la ville pour aller à la réserve Mapuche par une piste récente faite de gros graviers qui soulèvent une poussière épouvantable. A 1 Km premier arrêt devant un petit ravin, en contrebas se trouvent des touffes énormes de Greigia sphacelata (Bromeliaceae) dont on mange les fleurs blanches qui poussent au cœur de la plante à l’aisselle des feuilles, Bomarea salsilla (Alstroemeriaceae), Mutisia spinosa (Asteraceae) dont nous avons ramené des graines, nous avons actuellement dans le jardin un sujet de 2ans accroché à un grillage, il couvre 3 m sur 3 et est encore en fleurs en Janvier. Au même endroit poussent Francoa appendiculata (Francoaceae), Ugni molinae (Myrtaceae) parasité par Nothanthera, Aristotelia chilensis (Eleocarpaceae). Sur l’autre versant, nous apercevons une touffe de Lobelia tupa (Lobeliaceae) et en dessous une liane à fleurs rouges que j’essaye d’identifier en zoomant avec la caméra : cela ressemble à Tropaeolum speciosum. ?. Nous faisons le tour mais impossible d’approcher à cause des barbelés. Ce sera d’ailleurs un problème pendant le voyage car tout est clôturé de pieux de bois et de barbelés, nous supposons à cause du pâturage libre. Nous marchons sur un Equisetum, il ressemble à bogotense ?, de l’autre côté de la route :Escallonia revoluta (Escalloniaceae) à fleurs blanches, des fougères sur le talus : Adiantum chilense (Adiantaceae), Gleichenia squamulosa (Gleicheniaceae). Plus loin sur une colline, nous faisons une halte pour admirer le Pacifique avec des lagunes intérieures et des champs de Lupinus arboreus jaunes (peste végétale introduite). Dans une prairie à vaches inondée poussent des Nierembergia repens (Solanaceae) parmi les joncs. Un Senecio cymosus (Asteraceae) pend au dessus de nos têtes à 3/4m sur le talus avec Mutisia spinosa (Asteraceae), Chusquea parmi les Ulex europaeus (peste, souvenir peut-être des marins bretons qui avaient l’habitude de relâcher sur les côtes chiliennes). Arrivés à la réserve, pendant les tractations, nous examinons le long de l’allée de chaque côté un « catalogue »de ce que nous pouvons trouver comme végétation dans la région. L’allée se prolonge à gauche vers la maison par une passerelle en bois au dessus d’un marécage couvert de joncs et de Blechnum chilense (Blechnaceae).

 

Au pied d’une plante à fleur rose qui ressemble à un Fuchsia et que j’identifierai plus tard comme Satureja multiflora (Lamiaceae) Jeannette se pique en voulant toucher une Loasa acanthifolia (Loasaceae). Il y a là :Fuchsia magellanica,Lobelia tupa,Mitraria coccinea(Gesneriaceae) que nous verrons tout le long des routes dans les fossés, taches lumineuses rouge-orangé, Gaultheria (Ericaceae) à fruits mauves, Weinmannia tricosperma (Cunoniaceae), Lomatia ferruginea (Proteaceae), Rhaphitamnus avec des grappes de fruits violets. Nous entrons dans le bois en pente en nous faufilant parmi des dizaines de grimpantes partant à l’assaut des arbres : Lapageria rosea (Philesiaceae) avec une seule fleur que j’arrive à voir en zoomant car bien sûr tout cela fleurit à 10m de haut. Nous voyons seulement les fleurs fanées tombées ce qui nous fait lever la tête et découvrir ce qu’il y a au boutde ces troncs et de ces tiges. Surtout des Myrtacées peuplent cette pente : Luma apiculata, Ugni molinae, Amomyrtus luma, Myrceugenia exsucca. Nous voyons bien les différences de couleur et de texture des troncs. Pas moins de cinq lianes grimpent dans un Eucryphia glutinosa (Eucryphiaceae) : Lapageria, Lardizabala, Mutisia, Dioscorea et Luzuriaga sp. (Philesiaceae) à fleur blanche. En partant sur le bord d’une lagune, dans le marais nous surprenons des ibis, des aigrettes, des cygnes à tête noire avec des petits, plus loin nous pouvons voir de la route un musée indien avec Totems, Maisons traditionnelles en paille ou roseaux etc…Sur la colline la vue est magnifique : paysage d’une baie parsemée d’îles sur laquelle nagent des colonies de cygnes. Nous nous dirigeons vers un ponton d’embarcadère où nous resterons un peu à nous reposer et méditer : calme et sérénité au déclin du jour.

 

   Le lendemain, un « pare » (stop) fuse dans la voiture. Nous avons vu un Lapageria en fleur dans le fossé devant un champ d’Eucalyptus (introduits bien sûr), l’occasion de pouvoir photographier les fleurs en tirant quand même avec une perche à cause des ronces. Revenus sur le bord de l’océan, nous herboriserons dans les dunes et les grèves, la végétation est nanifiée par le vent et les embruns : Lupinus microcarpus (Papilionaceae), à fleur bleu-violet, Oenothera, Sisyrinchium, Selliera radicans(Goodyeraceae) et Margyricarpus pinnatus(Rosaceae), couvre-sol très interessant, il se ressème naturellement dans le jardin et résiste assez bien au sec. Nous attirons l’attention d’un cavalier, notre manège le fait revenir sur ses pas pour nous interpeler et nous interroger sur nos intentions. Nous mangeons un plat de poisson dans un petit restaurant au bord de l’eau. Plus tard sur la falaise, nous regardons la mer et la végétation. A cet endroit la topographie du terrain est étrangement semblable à la côte ici au fond de la baie. Des moutons en liberté passent derrière nous en bêlant le long de la route. La plage est très fréquentée, nous voilà revenus de plein fouet dans le bruit et la foule pas pour longtemps mais cela nous permet quand même de découvrir quelques plantes parmi les voitures dont nos premiers Libertia (Iridaceae).

 

   Sur la route de Valdivia nous faisons une halte sur les bords d’un étang couvert de nénuphars. Sur le parking un Drimys winteri (Winteraceae) énorme est en graine avec à son pied une touffe de Verbena d’un beau bleu peut-être hispida. Les berges en pente sont un bois de Nothofagus dombeyi (Fagaceae) de belle allure avec en lisières des colonies de très belles fougères : Blechnum chilense ou magellanicum (Blechnaceae) descendant jusque dans l’eau.      

 

A Valdivia, la cour de l’hôtel est plantée de Buddleja globosa (Buddlejaceae), Citrus, Aloysia triphylla (Verbenaceae)…Dans l’escalier nous rencontrons des Français, œnologues travaillant au Chili. Ils rentrent de vacances en Argentine. Le monde est petit, elle est bretonne et habite à 10km de chez nous. Demain, direction la Réserve de Oncol où la journée sera encore riche en découvertes.

 

 Arrêt comme d’habitude sur le bord de la route. Ce qui a posé beaucoup de problèmes de logistique à notre chauffeur pas habitué à des « touristes » comme nous. Nous le faisions arrêter dès que nous pensions voir quelque chose d’intéressant (je cherchais entre autre le fameux Embothrium jaune) et d’une plante à l’autre nous étions toujours là 2h après et nous devions souvent trouver à nuit noire de quoi manger et dormir. Cette fois là nous avions vu les fleurs d’un Centaurium umbellatum (Gentianaceae) au pied d’un Dasyphyllum diacantoides (Asteraceae-Mutisiaceae) derrière les incontournables barbelés : Lomatia ferruginea (Proteaceae) dans lequel grimpe un Mitraria coccinea (Gesneriaceae) à côté d’une magnifique Lophosoria quadripinnata (Dicksoniaceae), je pense l’essayer dans nos jardins bretons car les plantes avec lesquelles elle est associée y poussent très bien. A l’entrée de la réserve une colonie d’orchidées à fleurs jaunes un peu fanées, nous prenons des photos et des graines de Lobelia bridgesii (Lobeliaceae) à fleur rose dragée, endémique de la réserve de Oncol. Nous avons essayé dans le jardin plusieurs touffes issues de nos semis, il pousse très vite, fleurit la 2ème année et se tient très bien. Nous apercevons l’Océan à travers les arbres (Laureliopsis , Rhaphitamnus, Podocarpus, Lomatia, Drimys en association avec Mitraria, Berberis et Loasa) ,Latua pubiflora (Solanaceae), Amomyrtus meli (Myrtaceae), Azara lanceolata (Flacourtiaceae), Abutilon sp. (Malvaceae) et les Greigia (Bromeliaceae) couvrent ces collines pentues de la cordillère côtière à quelques km de la mer. Les Mitraria grimpent partout dans les arbres et les arbustes. Un Saxegothae conspicua (Podocarpaceae) est couvert d’épiphytes ainsi que d’autres arbres. Les frondes retombantes de Lophosoria forment une rangée sur le talus le long de la piste avec en dessous une loasacée à fleur blanche, des Stelleria, Nertera granatensis, Fascicularia terrestre, Anemone hepaticifolia, Uncinia, Stereocaulon...Des Hydrangea serratifolia (Hydrangeaceae) grimpent dans les arbres en compagnie de Luzuriaga polyphylla (Philesiaceae), j’arrive à voir les fleurs avec le zoom. Lomatia et Weinmannia poussent très souvent côte à côte in-situ, par contre en bord de mer les Weinmannia périclitent car je pense qu’ils résistent moins bien au sec. Exemple de deux espèces qui vivent ensemble dans la nature et se comportent différemment ex-situ. Beaucoup de Greigia parmi les Chusquea, un tronc de Weinmannia mort redémarre à la base. Il est recouvert de mousse, d’Asplenium dareoides (Aspleniaceae), de touffes extraordinaires de Fascicularia épiphytes dont les feuilles ont des reflets roses dans le vent. Presque tous les arbres sont ainsi colonisés avec en plus pour certains Sarmienta repens (Gesneriaceae), Pseudopanax laetevirens (Araliaceae) en épiphyte. Un Campsidium valdivianum (Bignoniaceae) tient compagnie à un Gevuina avellana (Proteaceae).

 

Nous restons un peu sur un mirador en plein milieu de la forêt de Valdivia à contempler la vue sur des km2 :c’est un foisonnement de végétation extraordinaire ! Nous dérangeons un oiseau qui manifeste bruyamment son mécontentement, nous le voyons enfin c’est un mélange de rouge-gorge et de troglodyte. Il se déplace parmi des Caldcluvia paniculata (Cunoniaceae), des Podocarpus parasités par Eremolepis punctulata (=Antidaphne) qui parasite surtout les Desfontainea et un Cynanchium nummulariifolium (Asclepiadaceae) à l’assaut d’un tronc.

 

Des cheminées de fées tapissent le sentier qui nous mène à un bois plus humide. En lisière on trouve des touffes conséquentes de Jovellana punctata (Scrophulariaceae), nous retrouvons Lobelia bridgesii à mi-ombre : il fait chaud. Un Lepidoceros chilense (Eremolepidaceae) parasite une Myrtacée de 20 à30m de haut sûrement centenaire. Un Lycopodium sp. de 1m de haut est en fleur à coté de Gaultheria phillyearifolia (Ericaceae) au pied de Tepualia stipularis (Myrtaceae sous famille Leptospermoideae). Les Desfontainia sont gigantesques ainsi que les Myrtacées dont les écorces sont somptueuses.

 

Les Fitzroya millénaires

 

Le 13 Janvier nous nous dirigeons avec peine vers le parc Alerce Costero, l’herborisation sera courte car nous avons mis 5h pour faire les derniers vingt Km à force de descendre du véhicule pour passer les ornières et passer sur des ponts faits de poutres, de troncs d’arbres ou de planches disjointes. A 2 ou 3 km du but, impossible de continuer, il y avait des traces de roues d’engins forestiers lourds de 1m de profondeur dans la boue séchée. Les autres veulent renoncer pas nous deux si près du but. Nous étions habitués à pire après toutes ces années de travail sur les chantiers. Mario trouve un passage en montant sur un terre-plein menant à une grange. Tous les deux nous déplaçons des morceaux de bois, des pierres pour mettre sous les roues du véhicule et nous voilà arrivés aux pieds de ces Fitzroya millénaires (On verra bien pour le retour obligé). Un majestueux Drimys winteri (Winteraceae) en fleur, sous le couvert de Nothofagus betuloides (Fagaceae) nous accueille à l’entrée. Nous mangeons notre casse-croûte en descendant en courant le sentier. Nous nous prenons les pieds dans les racines. Un forestier de la Conaf nous conduit pour aller voir le plus vieux Fitzroya cupressoides (Cupressaceae). Les Philesia magellanica (Philesiaceae) sont omniprésents, certains ont des grappes de 20 à 30 fleurs énormes transparentes dans les rayons de lumière qui passent entre les Fitzroya. Au bout de la course, nous tombons en admiration devant les restes du Fitzroya de 3600ans :11m50 de circonférence ,4m60 de diamètre, étêté, couvert de mousse et d’excroissance dans l’écorce, enluminé de guirlandes de fleurs roses de Philesia. Nous terminons la visite dans une tourbière à la recherche d’orchidées que nous ne trouverons pas mais nous voyons Senecio smithii (Asteraceae) et Myrteola. Les mousses et les plantes sont rougeâtres. La vue est belle sur la cordillère côtière, il y a pas mal de dégats après un incendie il y a 40 ans et surtout la déforestation sauvage dont nous constatons les méfaits. Nous sommes tristes en imaginant quelle prestance avaient ces arbres vu la grosseur des morceaux de troncs et de souches éparpillés partout. Nous devons partir au plus vite pour rejoindre le parc Puyehue avant la nuit et faire le ravitaillement en route. Nous avons le temps encore (toujours) de nous arrêter pour examiner Asteranthera ovata (Gesneriaceae) colonisant les vieilles souches et les troncs couchés (une idée pour la culture) et un Ourisia poeppingii (Scrophulariaceae) à unique fleur rouge sur un talus.

 

LosLagos                                                                                                                                                                                                                                       

 

 Nous retrouvons la civilisation avec le bruit de la ville, des Magnolias sont plantés dans les cours d’immeubles, de très beaux Camellia structurent les parterres d’une place spécifique des villes sud-américaines. Nous déambulons un peu pendant les courses parmi des vendeurs ambulants avec des paniers, des brouettes, des carrioles pleins de légumes, de fruits, d’objets divers et aussi des cireurs de chaussures, des laveurs de voitures qui nous ramènent à la réalité sociale du Chili. En continuant vers Puyehue, nous faisons une halte devant un joli jardin d’où s’échappe vers la route un Lomatia ferruginea (Proteaceae) parasol couvert de grappes de fleurs énormes ; cette image me reste encore dans la tête. La propriétaire nous fait entrer pour nous montrer son jardin où trône une magnifique fougère arborescente.

 

   Nous arrivons le soir au parc Puyehue où nous prenons possession de nos chalets pour la nuit. Un mode d’hébergement répandu dans les parcs, un chalet tous les 50m environ perdu dans la végétation, peu de tourisme vu qu’il n’y a qu’un pourcentage minime de Chiliens qui ont des vacances. Dans certains parcs nous n’avons rencontré personne. Avant la nuit nous avons le temps de voir autour du chalet Buddleja globosa (Buddlejaceae) les fleurs sont petites, c’est le seul, à part à l’hôtel à Valdivia que nous verrons, Fuchsia magellanica (Onagraceae) imposant avec des troncs tortueux et desquamés et Myrceugenia planipes (Myrtaceae). Au petit matin, à la rosée, nous sortons accompagnés par le champ des oiseaux, instants mémorables de calme de sérénité dans cette atmosphère humide avec les rayons du soleil à travers les arbres. Dans ce milieu les mousses font légion, diversité et grosseur. Une espèce retient notre attention : Hypopterygium arbuscula qui forme au sol des milliers de petits parasols verts. Tout est démesuré ! Les arbres sont gigantesques et il est difficile par endroit de se frayer un chemin parmi des troncs énormes couchés et colonisés par des dizaines de grimpantes. Un bruit d’eau nous attire et brusquement nous accédons à une rivière avec un « chaos » de blocs de rochers, des cascades splendides qui vaporisent de l’eau dans l’air. Nous sommes subjugués par la beauté de ce lieu : c’est tout simplement grandiose ! Mon regard est attiré par des touches minuscules de jaune dans la mousse verte accrochée à un rocher : c’est Calceolaria tenella (Scrophulariaceae).

 

   Le lendemain sur la route du Volcan Casablanca nous faisons une halte devant un tapis de Pernettya d’où surgissent des Chloraea sp. (Orchidaceae) à fleurs jaunes. Nous subissons depuis deux ou trois jours les attaques de mouches « Collihuacho » espèces de taons piqueurs, cette journée sera particulièrement difficile, infernale presque avec les attaques incessantes Pas moyen de prendre des photos ou de filmer sans bouger. Changement de paysage, la végétation se raréfie, en haut nous avons la vue sur la cordillère, végétation alpine dans la « pouzzolane » noire : Nassauvia, Silene, Perezia, Adesmia, Azorella, Lucilia, Ranunculus, Senecio, Erigeron, Pernettya pumila (Ericaceae), Escallonia rubra (Escalloniaceae). En redescendant à pied, se trouvent à notre droite sur le talus des Nothofagus betuloides et pumilio, bonzaïs naturels et de l’autre coté dans le ravin les mêmes normaux Je tombe et y glisse un peu sur un lit de Gunnera magellanica en voulant aller voir les Ovidia andina (Thymelaceae) et Tribeles australis (Escalloniaceae) de l’autre côté des barbelés.

 

Vers la fin d’après-midi, direction le Lago Lanquihue où nous dormirons dans deux très spacieux chalets avec tout le confort, juste au bord de l’eau et face au volcan Osorno. Encore un paysage et un endroit magique. Il fait chaud, Mario décide avec Pascal de piquer une tête dans le lac, ils n’y resteront pas longtemps car l’eau est glaciale. Le lendemain matin, nous nous dirigeons vers le volcan. A la base nous retrouvons en plus des végétaux maintes fois vus Pseudopanax laetevirens (terrestre cette fois, en fleur et fruits, semés ils lèveront et couleront), Lomatia hirsuta (Proteaceae), Cortaderia sp. (Gramineae). La forêt est dense et surmontée d’une mer de nuages qui grimpent à l’assaut du volcan. Puis la végétation se raréfie et se nanifie. Ici et là, des bosquets d’Embothrium coccineum f. andina, dommage nous ne trouverons pas de graines. Au pied du glacier, c’est presque le désert à part les poteaux du téléphérique pour le ski. Quelques rosettes alpines résistent quand même au vent fort : Baccharis nivalis, Senecio breviscapus, Acaena sp. , Cystopteris fragilis. Vers 1500m, un groupe d’orchidées jaunes : Chloraea alpina ? et Senecio trifurcatus, Ribes cucullatum en rosette, Luzula chilensis à tige rouge. Arrêt inopiné en redescendant qui permet de trouver à l’orée de la forêt Griselinia ruscifolia (Cornaceae), Escallonia rubra(Escalloniaceae), un Eucryphia cordifolia(Eucryphiaceae) un peu décrépi et Boquila trifoliata(Lardizabalaceae). Nous nous arrêterons sur un site touristique, torrent, cascades, promenades le long de l’eau avec des promontoires pour admirer la vue sur les gorges, les chutes. Il fait chaud et les gens se protègent de l’attaque des Collihuacho en se frappant avec des rameaux de Tepualia stipularis (Myrtaceae) qui couvrent les berges tout en fleur. Il y a foule et il est difficile de prendre des photos d’un Nothofagus au graphisme genre estampe japonaise qui pousse dans la roche au dessus de l’eau et à son pied derrière la barrière une orchidée de 40cm environ à grosses fleurs blanches au labelle tacheté de noir.

 

Nous partons vers Puerto Montt, petit arrêt sous un ciel gris et humide au marais de Lahuen Ñadi. Le sol est spongieux, nous marchons sur Myrteola nummularia (Myrtaceae) et Anagallis alternifolia (Primulaceae) en évitant les Baccharis sagittifolia (Asteraceae) et les Pernettya insana (Ericaceae). Nous nous enfonçons dans le bois sous le couvert des Rhaphitamnus, Caldcluvia, Laureliopsis, nous avons du mal à identifier un Crinodendron hookerianum (Eleaocarpaceae) car les feuilles et les tiges s’allongent pour trouver la lumière dans cette atmosphère sombre. Chusquea valdiviensis, Philesia et Campsidium partent à l’assaut des arbres, nous découvrons leur existence par les fleurs fanées au sol. Deux Hymenoglossum cruentum et pectinatum grimpent dans la mousse le long des troncs et j’aperçois une chouette qui nous observe perchée sur une branche au dessus de nous. Des passerelles en bois ont été construites pour permettre de marcher car le sol n’est que mousse recouvrant des déchets végétaux où l’on s’enfonce. Quel décalage avec la ville de Puerto Montt grouillante de monde et de bruit où nous embarquons pour Chiloé.

 

 

 

Chiloé                                                                                                                                              

Pendant la traversée qui dure une demi-heure nous sommes escortés par les phoques et les oiseaux marins. Nous passons la nuit à Castro sur le port face au quai où se trouve en plein air un musée de tracteurs à vapeur. Quelques maisons sur pilotis au bord de la mer, nous en reverrons plus tard à l’estuaire de la rivière, elles sont en bois peintes de couleurs vives et variées. Un paysan passe à cheval derrière nous le long du trottoir parmi les voitures pétaradantes : choc de deux mondes. Nous nous enfonçons dans l’île, nous élisons domicile dans un chalet face à une lagune parmi les chevaux en pâturage dans les Gunnera. Il y a beaucoup d’oiseaux, en particulier des rapaces, des passages et des caquètements de perroquets verts. Derrière le chalet, une fleur rouge ressemblant à un Embothrium est en fait une plante parasite Tristerix corymbosus=Phrygilanthus tetrandus (Lorantaceae), les troncs des myrtacées sont toujours aussi beaux. Paysage de toundra avec des tourbières de chaque côté du sentier, la végétation est rouge, orange comme les jeunes feuilles des Nothofagus alpina (Fagaceae). Parmi les Desfontainia et les Lomatia rabougris mais avec des fleurs magnifiques, nous apercevons Gavilea sp. (Orchidaceae), Gleichenia sp. (Gleicheniaceae) à feuillage raide de conifère, Pinguicula sp. (antartica ? Lentibulariaceae), Libertia chiloensis (Iridaceae), et quelques Sisyrinchium à fleurs crème, Leptocarpus chilensis (Restionaceae) à tiges ocres, on entend des grenouilles. Nous nous approchons d’un arbre mort pour observer le plus discrètement possible un nid de rapaces avec des petits.

 

La toundra laisse la place à la forêt, là aussi nous sommes obligés de passer sur des passerelles car il n’y a pas de sol par endroit sinon un enchevêtrement de troncs, de mousse, de déchets végétaux, impossible de savoir exactement le fond (1m, 1m5 plus ?).

 

La végétation est luxuriante, sauvage, toutes les grimpantes, les Chusquea s’élancent à l’assaut des troncs de Caldcluvia paniculata (Cunoniaceae) à écorce rouge brique pour trouver la lumière à la canopée. Nous repartons vers la côte que nous découvrons à travers les troncs couleur rouille des Myrtes qui forment un sous-bois avec Nothofagus nitida (Fagaceae) et Aextoxicon punctatum (Aextoxicaceae). A l’ombre se développent des orchidées en boutons, des fougères...Des hectares de dunes sont couverts de Gunnera tinctoria, spectaculaire !

 

Des vanneaux deux fois plus gros que ceux d’ici courent dans l’herbe parmi les Gunnera entre les vaches (de pré-salé ?). A l’abri de la dune poussent dans le sable Leptinella scariosa minuscule avec Oxalis sp. Gunnera magellanica et des coussins d’Euphorbia portulaccoides (Euphorbiaceae) :très jolie plante.

 

Le lendemain nous embarquons dans des tout-terrains avec la Conaf pour rejoindre par la plage et les dunes le long de l’océan le Parc national de Chiloé, enclavé. Nous grimpons à la queu leu leu le long d’un minuscule ru couvert de Drosera uniflora (Droseraceae), Oreoboldus sp. (Cyperaceae)en petits dômes, les couleurs sont roses, rouges, violettes, vertes, c’est magique ! Sur la hauteur, face à l’océan, toujours ce paysage de tourbières, de toundra avec Schizea fistulosa (Schizaeaceae), des lichens, des usnées, des Nothofagus nains et rabougris dans ce milieu hostile, des Blechnum magellanicum (Blechnaceae) aux troncs ressemblant à de gros ananas. Nous sommes perplexes en découvrant sur le sol des traces de pattes d’oiseau très grandes et une très grande plume, le Condor ne vient pas aussi loin ? Nous repartons en partie à pied car notre chauffeur a emmené à notre place des indiens ravis d’avoir trouvé un moyen de locomotion. 12 km à pied c’est faisable, cela nous permet d’apercevoir un dôme bleu dans le sable, battu par le vent : Nolana paradoxa , je la cultive dans du sable de mer au bord du bassin avec des plantes ayant les mêmes exigences. La voiture revient nous chercher, nous nous arrêtons plus loin devant une cabane d’où sort de la musique. Des chevaux attendent dehors, des peaux de moutons en guise de selles, les indiens retrouvent une identité et leurs racines en remettant leurs danses au goût du jour. Mario fera quelques pas avec eux : toujours partant bien sûr ! Certains instruments sont des mâchoires de cheval.

 

Nous couchons chez l’habitant en chambre d’hôte, sur le mur galerie de photos d’autrefois et aussi le Guide du Routar et Philippe Danton. Les habitants font la culture des algues sur le bord de l’eau et dans le potager bien entretenu poussent des fèves, des framboises, des pommes de terre. Nous visitons quelques églises qui sont classées patrimoine mondial de l’Unesco, elles sont faites de bois et de tôles peintes de couleurs vives mais beaucoup dégradées par les embruns et le vent. Nous embarquons sur un bateau de pêche pour rejoindre l’archipel des Mechuques situé entre Chiloé et la côte. Nous croisons sur l’eau des colonies de manchots de Humboldt, beaucoup d’oiseaux et des phoques qui font le spectacle autour d’un élevage de saumons.

 

Arrivée sur l’île, belle architecture de ponts en bois et de maisons en bois sur pilotis, une femme assise sur un traîneau (des patins pas de roues) attend sûrement les bœufs. Nous verrons plus loin un tel attelage. Puis retour à Puerto Monte où nous prenons l’avion pour Santiago. Nous y resterons deux jours pour aller à La Parva dans les Andes à 4000m et à La Campaña car il fait très sec cette année, nous écourterons notre séjour dans le Nord.

 

 

 

Conclusion

 

Une grande partie des plantes que nous avons vu et identifié poussent très bien en Bretagne et sûrement dans d’autres régions de France (Normandie etc..), pas forcément à l’ombre mais comme les clématites les pieds à l’ombre et la tête au soleil car les grimpantes en particulier fleurissent à la canopée ( Les Sarmienta, Astherantera, Mutisia, Mitraria, Cissus ) Les arbustes Embothrium, Lomatia, Desfontainia poussent en lisière et en clairière et ont besoin de soleil pour bien fleurir. Mais il reste une constante, ils poussent dans un sol très humifère avec beaucoup de déchets végétaux et de mousse. La côte ici, abritée et plus douce est à mon avis trop sèche en été à cause du vent, du sol léger et du manque de pluie. D’où l’intérêt d’expérimenter en aménageant un endroit spécifique au pied de feuillus face au Sud, à l’abri du vent, en maintenant une humidité relative au sol qui sera amélioré par un substrat maison de compost de feuilles, de rameaux de tailles et de morceaux de bois en décomposition sur lesquels on peut placer les Astherantera.